Notre nouvelle Saison Musicale s’ouvrira le 22 septembre à Neauphle-le-Château par un concert d’orgue avec Thierry ESCAICH.
C’est l’occasion de faire un bref rappel historique de cet instrument, parfois méconnu. Voici l’article du dernier bulletin municipal de Neauphle-le-Château rédigé par Marc Leroy, historien de la commune et organiste titulaire de l’église St Nicolas, paru à l’occasion du concert de Thierry ESCAICH.
« Trop souvent, aujourd’hui, l’ORGUE, traditionnellement considéré comme « le roi des instruments de musique », pâtit d’une image quelle peu caricaturale et historiquement inexacte, qui le réduit à un simple rôle de serviteur du culte catholique ou, comme on disait naguère, de « pompe à cantiques » voire de « biniou de sacristie ». Un bref rappel historique permettra aisément de corriger cette vision partiale et partielle, et de la mettre en perspective.
Héritier du syrinx, ou flûte de Pan des bergers antiques d’Anatolie (série de roseaux creux de taille progressive maintenus par une lanière), l’orgue proprement dit naît au IIIe siècle av. J.-C. à Alexandrie en Égypte, conçu par l’ingénieur pionnier Ctesibios. Composé de trois ou quatre rangées de tuyaux actionnées par un petit clavier primitif et alimentées par un système hydraulique, cet instrument portatif strident et déjà puissant est d’un usage civique, principalement extérieur, à l’air libre, accompagnant les fêtes de la Cité et des riches particuliers, puis à Rome les pompes impériales et jeux du cirque, parfois les combats des armées lors de grandes batailles militaires.
Après la chute de l’Empire romain d’Occident sous les assauts des barbares en 476, l’orgue émigre à Constantinople et dans tout l’Empire d’Orient, y compris dans les pays arabes voisins en pleine expansion, poursuivant en ces contrées son ancienne vocation festive et guerrière. Par un hasard de l’histoire, il ne revient en Occident qu’en 757, précieux cadeau diplomatique de l’Empereur byzantin Constantin V Copronyme au Roi des Francs Pépin-le-Bref, père du grand Charlemagne, qui le place pour des raisons d’ordre acoustique (et non religieux) dans la chapelle de son palais d’Aix (la-Chapelle), dans l’actuelle Allemagne.
C’est seulement à partir du Xe siècle, de manière timide et progressive, que l’Église lui accorde peu à peu un rôle privilégié (parmi d’autres instruments) dans le déroulement de ses cérémonies : la belle acoustique des grands édifices religieux sert l’orgue à merveille, et la force d’un son continu, qui évoque l’Éternité, accompagne efficacement le chant des chœurs et des fidèles. Les plus grandes églises peuvent se targuer de la présence de plusieurs instruments à tuyaux (six actuellement dans l’abbatiale de Mafra, au Portugal, un record européen) positionnés dans divers emplacements, le plus efficace musicalement, qui finit par prévaloir, étant la tribune occidentale au fond de la nef (comme à Neauphle), sans oublier, depuis le XIXe siècle, dans les édifices les plus vastes, la présence dans le chœur d’un instrument plus modeste. Le grand orgue en question est promis, dès le XIVe siècle et jusqu’à nos jours, à un brillant avenir et à de multiples développements acoustiques et techniques; à partir du plus ancien exemplaire en état de marche (à la basilique de Valère, à Sion en Suisse, 1375), il engendre dans tous les pays d’Europe, puis dans le Nouveau Monde et jusqu’en Extrême-Orient, un exceptionnel éventail de dizaines de milliers d’instruments fort variés, chacun étant un prototype unique, car exclusivement conçu et harmonisé pour le bâtiment qui le contient.
L’orgue est au service d’un remarquable corpus de littérature musicale, dont les deux écoles les plus éminentes fleurissent encore aujourd’hui, en France et dans les pays germaniques voisins (qui ne connaît au moins les noms, et peut-être les œuvres, de J.S. Bach et F. Mendelssohn, ou de F. Couperin, C.Franck et O. Messiaen ?).
Parallèlement à cette mainmise ecclésiastique et cultuelle, l’instrument guerrier et festif d’origine (dont il subsiste un étonnant témoin du IIIe siècle de notre ère, très bien conservé, au Musée de Budapest) a poursuivi sa carrière dès le Moyen Âge, sous la forme du petit orgue « positif » ou portatif, à l’usage domestique et privé d’amateurs avertis.
Son héritier le plus fidèle est, à partir du XIXe siècle, l’orgue de salon, propriété d’organistes et d’amoureux de l’orgue; de dimensions variables, pouvant parfois rivaliser avec de grandes orgues de cathédrales (le plus grand des quatre instruments de salon du Baron Albert de L’Espée orne depuis 1919 la tribune du Sacré-Cœur de Montmartre !), il est toujours présent en France et bon nombre d’autres pays (environ 2 000 exemplaires recensés aujourd’hui dans l’Hexagone.
Ajoutons-y, pour mémoire, les orgues de Conservatoires et d’écoles de musique, principalement de dimensions modestes, réservés à l’étude.
Citons également, dans la même veine, un nouveau venu qui fait son apparition au début du XVIIIe siècle, d’abord chez nous (orgue du Concert Spirituel aux Tuileries, 1725), puis rapidement en Angleterre et en Allemagne : l’orgue de concert, construit dans une salle uniquement dévolue à cet effet, qui connaît un développement remarquable en Europe au XIXe siècle, tant pour le nombre que pour la monumentalité des réalisations. Quasiment chaque ville de quelque importance en est dotée de nos jours chez nos deux voisins britannique et germanique, la France n’en possédant plus que cinq, trois d’avant 1914 à l’Opéra Garnier, au Théâtre des Champs-Élysées et à l’Auditorium Maurice-Ravel de Lyon (ce dernier construit en 1878 pour le Palais du Trocadéro à Paris, reconstruit et agrandi en 1937 au Palais de Chaillot, puis transféré à Lyon dans son emplacement actuel en 1975), et deux de création récente à Paris, à la Philharmonie (2015 – 6.055 tuyaux, 91 jeux) et à la Maison de la Radio (2016 – 5.320 tuyaux, 87 jeux ). La Salle Pleyel possédait un orgue Cavaillé-Coll depuis 1929, qui a été retiré lors de récentes transformations.
La vocation musicale purement festive et civique de ces derniers instruments rejoint l’usage antique mentionné plus haut. La Révolution française ira dans le même sens, en faisant jouer aux organistes diverses hymnes patriotiques dans des églises transformées en Temples de la Raison – ce qui sauvera nombre d’orgues remarquables encore en place de nos jours – ; sans oublier plusieurs orgues d’églises parisiennes démontées à l’été 1790 et remontées en plein air, afin d’accompagner la messe solennelle de la Fête de la Fédération le 14 juillet au Champ de Mars, notre première Fête Nationale contemporaine.
Dans le même esprit, à côté d’un certain nombre d’orgues construites au XXe siècle dans des cinémas (dernier témoin en France, celui du Gaumont-Palace remonté il y a quelques années à la Halle Baltard de Nogent-sur-Marne), ou même dans des supermarchés aux États-Unis et fort récemment au Japon, la Salle des Mariages de la Mairie de Villeurbanne (Rhône) est dotée d’un orgue en 1933, à l’imitation de quelques exemples préalables en Belgique, afin de « rehausser la pompe » des mariages civils, comme l’indique la délibération du Conseil Municipal décidant de sa construction; l’orgue est toujours en usage, sous les doigts d’un organiste titulaire municipal spécialement nommé à cet effet et jouant une musique appropriée, principalement d’origine opératique. »
Et maintenant, quelques mots sur l’historique de l’orgue de l’église St Nicolas de Neauphle-le-Château :
Au hasard des restaurations de l’église Saint-Nicolas apparaît en 1845 l’orgue, bientôt entretenu et restauré par la célèbre Maison John Abbey de Versailles jusqu’en 1931.
Il a été à nouveau restauré et augmenté de 1969 à 1985 par le facteur Adrien Maciet. Il fut alors inauguré en 1984 par Marie-Claire Alain, principal conseiller de cette restauration.
Une autre rénovation a été entreprise en 1998-2000 par Pierre Maciet (successeur de son père), et marquée par l’enregistrement d’un disque de Marie-Claire Alain en 2000.
L’orgue est composé de 2 claviers de 54 notes, un pédalier de 30 notes, 22 jeux, dont 8 du XVIIIe siècle, environ 1.200 tuyaux. Il est considéré comme l’un des meilleurs instruments des Yvelines.
Voici un très intéressant entretien de 2015 avec Thierry ESCAICH, où il parle du nouvel orgue ‘symphonique’ de la Philharmonie de Paris, de son intégration dans la salle, de ses caractéristiques…
Thierry ESCAICH a été le premier, le 28 octobre 2015, à faire résonner l’instrument dans la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris (avec la 3ième Symphonie de Saint-Saëns), et il y est revenu lors du week-end inaugural des 6 et 7 février 2016.
Si vous aimez l’orgue, ou si vous ne le connaissez pas bien, vous aurez une magnifique occasion d’en apprécier toute la richesse et la subtilité, lors du concert du 22 septembre 2019, à 17h en l’église St Nicolas de Neauphle-le-Château, avec Thierry ESCAICH, grand organiste, mais aussi compositeur et improvisateur.
Ce concert exceptionnel sera aussi un hommage à 3 organistes renommés qui ont joué pour Ritmy : André ISOIR, Marie-Claire ALAIN et Pierre PINCEMAILLE. De plus le concert sera présenté par le musicologue Gilles CANTAGREL.
Un grand écran, installé dans l’église, nous permettra de voir Thierry ESCAICH en gros plan, pour ne rien perdre de son jeu sur l’orgue !
Vous trouverez toutes les informations sur ce concert dans cet autre ARTICLE.
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