À MAREIL-SUR-MAULDRE… 20 Novembre 2011 à 17h., Église Saint-Pierre
LE QUATUOR ÉQUINOXE
Estelle VAISS, Laura DANIEL, violons Loïc DOUROUX, alto – Emile BERNARD violoncelle
L’histoire du quatuor ÉQUINOXE est tout en évolution puisqu’elle commence à peine à s’écrire. Mais dans ces courtes années, pourtant, à force de soulever l’enthousiasme de ses auditeurs, elle a déjà engrangé de nombreux succès, suscité de belle critiques et levé de grands espoirs. Rodrigue nous l’a très bien expliqué, un jour, sur la scène du Cid : la valeur n’attend pas le nombre des années.
En revanche, elle suppose le travail de longues heures passées à apprivoiser l’instrument, à maîtriser le solfège et à fréquenter les œuvres qu’ont laissés sur les rives du temps, des hommes, des femmes plus ou moins inspirés… Enfin, lorsque l’on compose un groupe musical, il faut s’adapter, s’apprivoiser les uns aux autres.
Tout cela, les quatre instrumentistes du Quatuor ÉQUINOXE l’ont fait, chargés qu’il sont de diplomes et couronnés de prix obtenus au fil de concours réputés. Ils partagent les mêmes idéaux musicaux qui ont pour point commun l’enseignement de la musique, la recherche d’une sonorité originale et l’enrichissement permanent que procure le partage d’expériences avec d’autres musiciens. Ils n’hésitent pas, par exemple, à créer de toutes nouvelles compositions que des compositeurs nouveaux brulent de rendre audibles…
Parce qu’ils font entendre une musique énergique et subtile, un son dynamique mais émotif, RITMY leur a demandé de se faire entendre à Mareil-sur-Mauldre, convaincue que vous serez heureux de découvrir ces quatre vrais talents et d’entendre ce qu’ils font d’œuvres que vous connaissez mais qu’ils traitent à leur façon…
AU PROGRAMME :
Le Quatuor en sol de Claude DEBUSSY, le Quatuor « américain » n°12 en fa majeur op.96 d’Antonin DVORAK et Crisantemi de PUCCINI
PETITE HISTOIRE DU QUATUOR
Ce n’est qu’à partir de 1760 que le quatuor à corde, qui possède une bibliothèque d’œuvres très vaste, apparaît sous la forme que nous connaissons aujourd’hui : deux violons, un violoncelle et un alto.
S’il suit en tous points le plan de la sonate (deux mouvements rapides qui encadrent un mouvement lent auquel s’ajoute parfois un scherzo), le quatuor a un agencement sonore performant : l’oreille peut suivre de façon précise, aisée, les quatre voix instrumentales qui ont assez de différence en timbre. C’est ce qui fait son originalité.
La répartition entre les quatre voix des instruments reprend presque celle que privilégiait les musiciens de la Renaissance avec le quatuor de voix soprano-alto-ténor-basse qui couvrait toute l’étendue de la voix humaine.
Les musiciens de l’Angleterre furent précurseurs en produisant des œuvres que les familles nobles ou bourgeoises pouvaient exécuter sans luth ou clavier. Sur le continent, en revanche, la polyphonie faisait place à la monodie d’un instrument soutenu par une basse continue. Mais l’ennui naît de l’uniformité et même en pleine période baroque, on trouve des exceptions, venues souvent de compositeurs italiens qui cherchaient un enrichissement. Dans certaines de leurs sonates, ils faisaient chanter au-dessus de la basse non pas une mais deux voix instrumentales.
C’est avec le développement de la technique du violoncelle que la basse d’archet devint indépendante, chantante. La polyphonie redevint à l’honneur d’autant qu’elle était à la fois libérée des modes d’église et enrichie des progrès de l’harmonie, notamment dans la modulation. C’est Joseph HAYDN qui tentent les premiers essais du quatuor moderne, imité, appuyé par Johann STAMITZ, Johann Baptist VANHALL, Florian Leopold GASSMANN ou Luigi BOCCHERINI.
On l’a compris, la forme du quatuor s’est définie dans la pratique instrumentale et dans le développement de la facture instrumentale. Personne ne peut en réclamer la paternité de la création. Mais il revient au prestige de HAYDN de l’avoir tenté et d’avoir largement ouvert la voie à Mozart, Beethoven et leur descendance dont Schubert.
Voici, par le Qutuor MODIGLIANI, le menuet Allegro du quatuor en si bémol majeur op. 76 n. 4…
LE QUATUOR EN SOL…
Nous en sommes en 1893… Claude DEBUSSY vient de connaître un franc succès avec sa Suite Bergamasque dont l’élégance mais aussi l’anti-conformisme, en phase avec les tentatives dans tous les arts qu’ils soient littéraire (DEBUSSY fréquente les mardis de MALLARMÉ et admire les poèmes de VERLAINE) ou pictoral (DEBUSSY suit avec passion les recherches des Impressionnistes), rencontre les goûts d’un public en pleine évolution. Mais cela heurte… Même un César FRANCK qui disait à son élève en classe d’harmonie au Conservatoire de Paris : « Mais enfin, Monsieur Debussy, entendez-vous ??! » – » Oui, Monsieur, j’entends mon harmonie mais pas la vôtre ! » .
Ce n’était qu’un début. Lorsqu’il décide de se lancer dans l’écriture de son quatuor, DEBUSSY a déjà écrit pour la musique de chambre un trio pour piano en sol (1879) et un Nocturne et Scherzo pour piano et violoncelle (1882), soit bien avant son séjour à la Villa MÉDICIS. Mais du temps est passé comme la Seine sous le pont Mirabeau et DEBUSSY qui apprécie les œuvres de GRIEG dont l’anti-académisme le fascine, prend pour point de départ celui du norvégien. Mais très vite, l’inspiration vient et la composition est traversée par une sorte de cyclone qui fait voltiger toutes les conventions, les automatismes poussiéreux. La main du compositeur rajoute sur les attaques : très décidé, très mouvementé…
Ce quatuor marque véritablement une étape dans l’évolution de la musique , ouvrant de nouveaux horizons par l’adoption de croisements harmoniques inusités et de figures rythmiques rageuses. Il est créé en Décembre 1893, soit un an exactement avant l’Après-Midi d’un faune… C’est le quatuor Ysaye qui assure cette première exécution. Pour déroutant que soit cette œuvre aux accents rudes et aux harmonies âpres, elle est saluée par la critique et consolide l’image naissante du compositeur.
Voici, par le quatuor Ysaye mais avec des interprètes cooptés (vous vous en seriez douté !) les deuxième et quatrième mouvements de ce quatuor…
2 – Assez vif et bien rythmé
4 – Très modéré – Très mouvementé
LE QUATUOR AMÉRICAIN
Antonin DVORAK, lorsqu’il écrit cet opus 12, a 52 ans. C’est l’été. Il est en vacances à Spillville, petite cité de l’Iowa où s’est installée une communauté tchèque. En une quinzaine de jours, il écrit cette œuvre, nourrie des sensations que lui procure cette campagne américaine très particulière et remplie de réminiscences nostalgiques de sa bohème natale.
DVORAK est dans la ligne de son grand prédécesseur SMETANA, ce compositeur qui a décidé de faire pièce à la domination autrichienne et d’user de son art pour faire aboutir son combat. DVORAK, tout en étant très attaché au nationalisme tchèque, est beaucoup moins en pointe que son aîné. N’oublions pas qu’il est d’origine paysanne, humble. N’occultons pas non plus que ses parents l’envoyèrent apprendre le métier de boucher dans une petite localité proche de sa maison et de Prague. La chance, le hasard ou le destin, c’est selon vos dispositions métaphysiques propres, feront qu’il aura pour instituteur un organiste qui l’initiera à la musique.
Comme le remarquait le librettiste de Mozart, DA PONTE : « Chaque peuple à son organisation particulière. Celle de la Bohême paraît être le génie musical poussé au degré de perfection ». DVORAK, compositeur autodidacte, possède à l’extrême ce génie de la mélodie et du rythme qui caractérise les musiciens de la Bohême. Aussi face au spectacle éclatant des étendues sans fin de ces champs de l’Iowa bombardés de soleil et d’une luxuriance que permet cette terre riche et généreuse, DVORAK ne peut complètement oublier les musiques de ses racines, empruntant avec parcimonie et en les transfigurant, les souvenirs de son folklore..
DVORAK, peut-être est-ce la clé du succès immédiat que rencontrèrent ses œuvres, est un homme de la terre, instinctif, spontané, dont le style, toujours très classique et très profondément assis sur la mélodie, s’adresse sans fioritures, avec netteté et force, au coeur de ces auditeurs. Ce quatuor, aux accents tantôt lumineux, souvent vigoureux, parfois d’une infinie tristesse, quelques fois pastoraux, voire mystiques, emporte les esprits dans une dans étourdissante qui mélange la juvénilité américaine aux émotions simples, paysannes d’un peuple chargé d’histoire.
Voici l’Intégrale de ce quatuor, interprété aux violons par Leung Kin FUNG et Ching-Ting CHANG, à l’alto par Robin HONG et au violoncelle par Richard BAMPING au Concert Hall de Hong Kong
1 – Allegro ma non troppo
2 – Lento
3 – Molto vivace
4 – Finale : vivace ma non troppo
LES CHRYSANTHÈMES DE PUCCINI
PUCCINI le disait lui-même “Je suis fait pour la musique dramatique…”. De fait, on connaît surtout ses opéras, aussi divers que inspirés, dont l’orchestration qui fourmille d’innovations harmoniques empruntées aux impressionnistes français et à Wagner, laissent pas de ravir une oreille exigeante. Pourtant, PUCCINI a écrit de nombreuses pièces orchestrales dont con quatuors, ensemble à cordes pour lequel il avait une véritable affinité. Le seul que l’on joue encore est Crisantemi qu’il écrivit en 1890 à la mémoire du duc d’Aoste, Amédée de SAVOIE. Il a dit qu’il avait composé cette élégie en une nuit, ce qui est très vraisemblable compte tenu de sa totale maîtrise de l’orchestration.
Crisantemi est fait d’un seul mouvement continu bougeant sur de multiples variations, toutes très sombres. Il faut croire que PUCCINI trouva les deux lignes mélodiques assez “bien trouvées” puisqu’il les introduisit dans le dernier acte de l’opéra qui finit de le consacrer comme un grand compositeur, en I893 : Manon LESCAUT.
Cette pièce comporte toutes les qualités qui séduisent dans l’œuvre de PUCCINI : un lyrisme subtil, retenu, la recherche d’une poésie et d’un climat vibrants, l’utilisation wagnérienne des leitmotiv qui créé le sentiment d’un destin implacable. Il est rare qu’on l’entende dans sa version originale, car Crisantemi a été surtout régulièrement jouée par des ensembles de cordes qui donnent à la mélodie une matière plus liquide.
La voici dans sa forme originale interprétée par le Manor House String Quartet…
Si vous avez des questions sur ce concert, sur ses interprètes ou sur les œuvres, n’hésitez pas à nous écrire :